L’appétit vient en kidnappant
La région de l’Extrême-Nord est définitivement devenue un potentiel pourvoyeur d’otages aux ravisseurs. En l’espace d’un an seulement, onze expatriés ont été enlevés dans cette partie du pays. D’abord la famille Moulin-Fournier kidnappée en février 2013 à Dabanga, ensuite le Père Georges Vandenbeusch, un prêtre d’origine française enlevé le 14 novembre 2013 à Nguétchéwé et tout dernièrement trois religieux catholiques enlevés dans leur presbytère à Tchéré non loin de Maroua, capitale régionale de l’Extrême-Nord. Et le phénomène est loin de s’arrêter en si bon chemin. Qui sont véritablement ces ravisseurs ? Que cherchent-ils ? Sont-ils vraiment les adeptes de la secte Boko Haram ? Comment parviennent-ils toujours à s’échapper avec les otages alors que les forces de maintien de l’ordre sont constamment en faction ? Autant de questions taraudent les esprits. Tout un mystère autour de ces enlèvements à répétition.
La grande curiosité qui entoure ces enlèvements orchestrés dans la région, c’est qu’ils ont toujours connu des dénouements heureux. Les otages capturés ont été aussitôt libérés en contrepartie d’une forte somme mobilisée par le gouvernement camerounais comme rançon. Pour la libération de la famille Moulin, 6 milliards de Fcfa ont été débloquée par le chef de l’État. Approximativement la même enveloppe pour le prêtre Georges Vandenbeusch. Et peut être le même montant ou plus attendu par ces ravisseurs pour que soient libérés les trois religieux kidnappés dernièrement. Le même montant sera exigé pour les prochains enlèvements si on ne trouve pas de solution à ce phénomène qui prend du galon dans l’Extrême-Nord et met conséquemment en mal la sécurité.
L’autre curiosité et non de moindre est que ce sont des hauts commis de l’État, des autorités administratives et militaires et des chefs traditionnels qui se sont érigés en négociateurs pour la libération des otages. On cite nommément le président de l’Assemblée nationale Cavaye Yeguié Djibril, le ministre Amadou Ali, le député Abba Malla, le commissaire de police Ibrahim et l’ancien délégué régional de la sûreté nationale de l’Extrême-Nord, le commissaire divisionnaire Alemgue, le chef du canton d’Achigassia, l’opérateur économique Abdella et bien d’autres. Ces deniers ont toujours d’une manière ou d’une autre piloté avec succès ces opérations de libération. Ces sous-traitants de la secte Bokoharam réussissent toujours à établir des contacts « fructueux » avec les membres de la secte. Il est donc clair que l’argent mis en jeu a fini par susciter beaucoup de gourmandise, d’appétit chez ces sous-traitants et a pu facilement faire prospérer les marchés d’otages dans l’Extrême-Nord-Cameroun
Aujourd’hui BokoHaram semble donc servir d’alibi aux dignitaires du régime, pour y alimenter une nouvelle forme d’insécurité articulée sur des rapts itératifs de religieux occidentaux, résidents dans la région de l’Extrême-Nord. Une option qui a le mérite d’entretenir le flou sur l’identité véritable de ces preneurs d’otages d’un genre particulier qui, faisant de la seule région de l’Extrême Nord leur zone de prédilection, lui font malheureusement porter de lourds soupçons de complicité. On a bien envie de se demander si ce présumé groupe de la secte BokoHaram, spécialisé dans la prise d’otages n’est pas estampillé « BokoHaram, version Cameroun » ? Et si c’était certains Camerounais qui opéraient au nom de Boko Haram ? Il n’est pas exclu que certaines autorités fabriquent de toute pièce leur « Boko Haram » spécialisé dans les prises d’otages.