Nigéria-Cameroun : Paul Biya doit-il céder à la demande de Goodluck Jonathan ?

Le président camerounais devrait-il accepter ce principe du droit de poursuite de Boko Haram sur son territoire par l’armée nigériane tant souhaitée par son homologue nigérian ?
La menace de la secte islamiste Boko Haram pèse désormais sur le Nigéria et sur le Cameroun. Deux pays amis et frères. Des bombardements, des enlèvements, des attaques meurtrières, entre autres sont devenus récurrents dans les deux pays qui partagent une longue frontière de près de 2 000 kilomètres. Des centaines des vies sont ôtées suite aux attaques imputées à Boko Haram. La situation est si sérieuse qu’il faut absolument que les deux chefs d’État composent ensemble pour en découdre avec ces terroristes religieux. C’est du moins l’avis de certains analystes. En décembre dernier, l’agence d’information Irin affirmait : « Le président nigérian Goodluck Jonathan a réclamé l’aide du Cameroun pour l’aider à lutter contre les islamistes de Boko Haram qui ont été délogés des principales villes du nord-est du Nigeria. Les deux pays ont depuis convenu d’effectuer des patrouilles frontalières séparément, mais de façon coordonnée. Certains observateurs pensent que les activistes islamistes passent par le territoire camerounais pour se déplacer d’un État nigérian à l’autre ».
Le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a été reçu à cet effet en audience le 14 mars 2014 à Abuja. En recevant l’envoyé spécial de Paul Biya, le Président Nigérian Goodluck Jonathan avait rappelé à René Emmanuel Sadi que Boko Haram et les autres groupes terroristes doivent être vus comme des « ennemis communs ». « Le Nigéria et ses voisins doivent prendre des mesures urgentes pour harmoniser leurs stratégies et efforts pour traquer le Boko Haram et les autres groupes qui sèment la terreur sur nos frontières communes », avait-il déclaré. René Emmanuel Sadi avait alors rassuré le président Goodluck Jonathan, en lui donnant les assurances sur la volonté de coopération du président Paul Biya pour combattre le terrorisme aux frontières.
Le président nigérian avait, dans la même veine, demandé que lui soit accordé le droit de poursuite qui stipule qu’un pays peut poursuivre des « bandits » même sur le territoire de son voisin. Cet accord qui porte sur la sécurisation commune de l’ensemble de la frontière Cameroun-Nigeria n’avait pas été validé par le Cameroun. Cette demande avait été réitérée au lendemain de l’attaque du 15 janvier 2014, par les forces armées nigérianes et les islamistes de Boko Haram au niveau de la frontière avec le Cameroun. Pourchassés, les islamistes s’étaient enfuis en direction du Cameroun et des conséquences de l’échange de coups de feu se sont répercutées en terre camerounaise, notamment à Amchidé, où le bilan avait fait état d’un certain nombre de blessés.
En réponse, le gouvernement avait tenu à le faire savoir le mardi 4 mars 2014 au cours d’un point de presse. Le Cameroun n’a jamais accepté et n’acceptera pas la notion de droit de poursuite sur son territoire avait révélé le ministre de la Communication, Issa Tchiroma, porte-parole du gouvernement. Abuja accuse Yaoundé d’être complaisant vis-à-vis des combattants de la secte islamiste Boko Haram qui sèment la terreur en terre nigériane. Le Nigéria avait souhaité mener des actions concertées avec l’armée camerounaise pour traquer les terroristes. Mais se rendant compte de la pédale douce pratiquée par Paul Biya, Goodluck Jonathan a voulu obtenir le droit de poursuivre ces hors-la-loi jusqu’en terre camerounaise.
Depuis lors, sa demande est restée lettre morte.
Au regard des exactions perpétrées par les membres de la secte Boko Haram tant au Cameroun qu’au Nigéria, Paul Biya devrait-il accepter ce principe du droit de poursuite de Boko Haram sur son territoire par l’armée nigériane ? Bien que de nombreuses institutions et personnalités conseillent cette option du droit de poursuite ou des patrouilles conjointes, pour certains spécialistes en matière de sécurité frontalière, la sagesse impose au Cameroun de ne pas accéder à cette demande du Nigéria. Et pour cause, cette option créerait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait.