Boko Haram: au nord du Cameroun la guerre se durcit

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Au Cameroun, dans l’extrême nord du pays, l’armée tente depuis près de six mois de repousser les hommes du mouvement islamiste nigérian Boko Haram. Notre correspondant au Cameroun témoigne des conditions de vie dans la région.

RFI : Vous revenez de cette région de l’extrême nord du Cameroun. Vous êtes allé à Amchibé, un des postes frontière avec le Nigeria. C’est là que le 15 octobre dernier Boko Haram a mené une de ses plus violentes attaques. Presque un mois plus tard, quelle est la situation sur place ?

Notre correspondant : Effectivement, j’ai pu me rendre à Amchibé. C’est l’un des postes frontière entre le Cameroun et le Nigeria dans le département du Mayo-Sava, c’est dans l’extrême Nord effectivement. C’est une ville qui était, jusque-là, une grande zone de trafic et un grand centre d’échanges commerciaux entre le Cameroun et le Nigeria, qui subit de plein fouet le contrecoup des exactions de Boko Haram dans la région. Les Boko Haram y exercent une pression quotidienne.

Le 15 octobre dernier, la secte y a engagé plusieurs centaines de combattants lourdement armés surprenant ainsi une position de l’armée camerounaise. Elle a utilisé des moyens qu’on ne lui soupçonnait pas, notamment trois chars d’assaut dont l’un a été complètement détruit dans la riposte de l’armée et dont l’épave est toujours visible sur place à Amchidé. C’est une ville qui aujourd’hui est meurtrie, partiellement vidée de ses habitants et dont l’économie est à l’agonie. L’Etat y a désormais déployé d’importants moyens militaires pour essayer d’empêcher que le verrou sécuritaire ne saute.

Et quel est le moral des troupes sur place ?

« La guerre épuise », nous a dit un soldat. « Elle épuise moralement et psychologiquement », a-t-il renchéri. Mais, au-delà, j’ai pu observer une grosse détermination de la part de ces militaires et de leur commandement. Ce sont des jeunes gens qui, malgré la menace qui est réelle et permanente, nous ont dit toute la fierté qu’ils avaient à défendre leur pays. L’armée nous a communiqué un bilan qui témoigne de la rudesse des combats dans la zone : 33 soldats camerounais y ont déjà été tués contre plus de 1 000 morts côté assaillants, donc la guerre est réelle, elle est féroce. Elle dure depuis près de six mois maintenant et elle tend à se durcir davantage. Les militaires camerounais qui combattent nous ont dit qu’ils allaient y rester aussi longtemps que la menace perdurera, aussi longtemps que cela sera nécessaire.

Et est-ce qu’il a été difficile pour vous d’accéder à cette zone à la frontière ?

C’est très, très périlleux. Tout journaliste qui se risque dans la région doit nécessairement se faire accompagner pour sa sécurité par les forces de défense. Quand nous nous y sommes rendus, on a été prévenus de ce que les tirs avaient cours dans la région ; donc, les militaires ont dû nous donner un équipement de protection minimale fait de gilets pare-balles et de casques, avec les consignes strictes quant à notre mobilité sur le terrain.

Il est donc très difficile d’aller au contact des gens, d’autant que parfois des éléments de Boko Haram sont embusqués au sein des populations. Les risques d’enlèvements sont aussi très forts, et les journalistes, évidemment, sont dans cette perspective des cibles de choix.[Moustapha tient un commerce à quelques mètres de la frontière nigériane dans la ville d’Amchidé. «Boko Haram ouvre souvent le feu sur les hommes en tenue côté nigérian. On ne sait pas ce qui se passe, on voit des gens tués. On a peur.» RFI/Sarah Sakho]Moustapha tient un commerce à quelques mètres de la frontière nigériane dans la ville d’Amchidé. «Boko Haram ouvre souvent le feu sur les hommes en tenue côté nigérian. On ne sait pas ce qui se passe, on voit des gens tués. On a peur.»